Conflit au Proche-Orient – Protéger les journalistes et assurer leur libre accès aux zones concernées est plus que jamais un devoir

Depuis le 7 octobre 2023, la presse paie un très lourd tribut.

Nous, journalistes français, pour la plupart habitués à travailler dans des zones de conflits, demandons aux belligérants impliqués de protéger tous les reporters et d’ouvrir l’accès à la bande de Gaza à la presse internationale. 

Garantir une protection aux journalistes

Depuis le 7 octobre 2023, 53 journalistes ont été tués selon l’ONG Committee to Protect Journalists (CPJ) dont 46 palestiniens, 4 israéliens et 3 libanais. Des dizaines d’autres ont été blessés. 

L’une des premières victimes avait 22 ans. Ibrahim Lafi a été tué le 7 octobre 2023 alors qu’il couvrait pour Aïn Media l’attaque du Hamas sur le point de passage d’Erez. Il portait son gilet pare-balle bleu sur lequel était inscrit ce qui était censé garantir sa vie : “Press”. Le jeune Gazaoui était connu des médias français. Il avait entre autres travaillé pour Médiapart et Politis. 

Le 13 octobre au Sud-Liban, ce sont des journalistes de l’Agence France Presse, Reuters, et Al-Jazeera qui ont été frappés par deux tirs d’artillerie israéliens successifs, alors qu’ils couvraient les affrontements à la frontière entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Ils étaient, eux aussi, clairement identifiables en leur qualité de journalistes. Issam Abdallah, 37 ans, journaliste à Reuters, a été tué sur le coup. Six de ses collègues ont été blessés. 

Le 19 octobre, une frappe aérienne a détruit une rédaction éphémère sous une tente abritant des équipes de la BBC, de Reuters, d’Al Jazeera, de l’AFP, et des agences de presse locales, à proximité de l’hôpital Nasser de Khan Younès.

Le dimanche 22 octobre, Roshdi Sarraj est tué à son tour dans un bombardement à Gaza City alors qu’il sortait de la maison où il avait trouvé refuge avec sa femme et sa fille. Roshdi aussi avait travaillé pour de nombreux médias français dont Radio France et Ouest-France. 

Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive. 

Alors que la communauté internationale ne parvient pas à imposer un cessez-le-feu, et que l’armée israélienne a décidé d’étendre ses opérations terrestres dans la bande de Gaza, le nombre de journalistes tués risque fortement de croître. Dans ce climat de terreur, des consœurs et confrères disent ne plus être capables psychologiquement de travailler, paralysés à l’idée d’apprendre que leur famille a été décimée dans un bombardement. 

Comme ce fut le cas pour notre confrère Wael Al-Dahdouh. Le 25 octobre, alors qu’il couvrait un bombardement en direct sur la chaîne d’information Al Jazeera, il a été averti de la mort de son épouse et de ses deux enfants. Wael Al-Dahdouh est aussitôt retourné à l’antenne pour continuer son travail, sa mission d’informer, malgré le deuil.

Depuis le 16 octobre selon le CPJ , neuf journalistes palestiniens ont également été arrêtés en Cisjordanie par les autorités israéliennes.

“La première victime d’une guerre est la vérité“

Nous, journalistes français, interdits par les gouvernements israélien et égyptien de nous rendre sur place, nous ne pouvons rester impuissants face à cette situation. Protéger les journalistes, c’est protéger la liberté de la presse, pilier sans cesse secoué, mais indispensable des démocraties. En temps de guerre, face aux opérations de propagande de toute part, l’information est au cœur de la bataille. “La première victime d’une guerre est la vérité“. Si cet adage se vérifie à chaque conflit, il est sans précédent à Gaza.

Faut-il le rappeler ? Tuer des journalistes alors qu’ils ne prennent pas part au conflit constitue un crime de guerre au sens des dispositions de l’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Nos consœurs et nos confrères ont-ils été délibérément ciblés ? Nous demandons une enquête indépendante et transparente sur les circonstances de leur mort. 

Restent les vivants, ceux sans qui nous ne pourrions voir ni entendre les conséquences des bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Si celles et ceux qui sont nos yeux et nos oreilles disparaissaient, nous serions sourds et aveugles, et la bande de Gaza deviendrait un trou noir de l’information, un black-out médiatique imposé par Israël pour reprendre l’expression de Reporters sans frontières.

Manque de moyens

Depuis que de nombreux médias ont été entièrement ou partiellement détruits à Gaza par l’aviation israélienne, nos consoeurs et confrères palestiniens manquent cruellement de moyens pour faire leur travail. Dépourvus de batteries pour leurs appareils photo, sans ordinateurs ni moyens de communication fiables, certains ont tout perdu. D’autres ont dû tout abandonner après avoir reçu l’ordre par l’armée israélienne de quitter au plus vite leurs appartements. Depuis le 28 octobre 2023, les journalistes de Gaza n’ont parfois plus aucune connexion internet et n’ont que peu d’électricité pour recharger leurs matériels. Ceci constitue une autre entrave au travail de la presse dans un territoire où la liberté d’informer est déjà régulièrement bafouée par le Hamas et ses alliés.

Nous demandons aux autorités françaises et aux instances internationales d’appeler avec plus de fermeté à la protection et à la liberté de mouvement de nos consoeurs et confrères palestiniens assiégés.

La nécessité de laisser entrer la presse internationale

Après 16 ans de blocus, la bande de Gaza est soumise à un siège total depuis le 10 octobre. Plus personne n’entre ni ne sort de l’enclave palestinienne. Nous avons pu recueillir les témoignages des victimes de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, nous devons pouvoir travailler en sécurité pour raconter ce qui se déroule à Gaza. Durant l’été 2014, l’armée israélienne avait ouvert l’accès à la presse internationale garantissant ainsi notre liberté d’informer. Ce n’est plus le cas. 

Laissez-nous entrer dans la bande de Gaza faire notre métier. 

Nous en connaissons les risques.

Tribune coécrite par des journalistes de la presse française et francophone.

Pour signer cette tribune, envoyez Prénom Nom / journaliste et/ou correspondant.e / Média si affilié.e à cette adresse email : jesigne@proton.me

Sociétés des Journalistes signataires

AFP

Arrêt sur images

BFMTV

Challenges

Courrier International

Le Figaro

France 3 Rédaction nationale

France 24

France Télévisions Rédaction nationale

Franceinfo.fr

Disclose

L’Humanité

Libération

M6

Marianne

MYOP

NRJ Group

L’Obs

Paris Match

La rédaction de Mediapart

La rédaction de Politis

Le Parisien

Le Point

Premières Lignes

Public Sénat

Radio France

Radio Parleur 

RFI

RMC

RTL

Sept à Huit

Télérama

TF1

La Tribune

L’Usine nouvelle

La Vie

 

Medias

Mediapart

Libération

Politis

Orient XXI

L’Orient Le Jour

 

Organisations signataires

Fédération internationale des journalistes 

Fédération Européenne des journalistes

Informer n’est pas un délit (INPD)

Le prix Albert Londres

Le Prix Bayeux Calvados des Correspondants de Guerre

Reporters sans frontières

Collectif La Friche 

Collectif les Journalopes

Collectif Long Shot

Collectif Focus

Collectif Youpress

Association des journalistes antiracistes et racisé•es (AJAR)

L’Orient à l’envers 

Guilde des Auteurs Réalisateurs de Reportages et Documentaires (GARRD)

 

Journalistes signataires

Feurat Alani, journaliste, ancien correspondant à Bagdad

Loubna Anaki, journaliste

David André, journaliste

Cécile Andrzejewski, journaliste

Sarah-Samya Anfis, correspondante à Tunis

Amar Al Hameedawi, journaliste, France 24

Victorine Alisse, photographe

Feriel Alouti, journaliste 

Sharon Aronowicz, journaliste 

Alexandre Anfruns, journaliste

Julien Bagourd, journaliste, RTS

Pierre Barbancey, journaliste

Emilie Baujard, ancienne correspondante à Ramallah

Emna BEN JEMAA, journaliste

Nazim Belabdelouahab, journaliste

Akram Belkaïd, journaliste, le Monde Diplomatique

Elvire Berahya-Lazarus, journaliste

Lucile Berland, journaliste 

Walid Berrissoul, journaliste

Clotilde Bigot, correspondante à Beyrouth

Claire Billet, journaliste

Romane Binckly, journaliste, RTL

Guillaume Binet, photoreporter, agence photo MYOP

Véronique Blanc, journaliste

Morgane Bona, journaliste

Ariane Bonzon, journaliste, ex-correspondante à Jérusalem

Sami Boukhelifa, correspondant de RFI à Jérusalem

Edith Bouvier, journaliste 

Paul Boyer, journaliste

Eliott Brachet, correspondant au Caire, Le Monde

Alexis Breton, journaliste

Véronique Brocard, journaliste, Siné mensuel

Jean Pierre Canet, journaliste

Mathieu Cavada, journaliste

Marwan Chahine, journaliste

Patricia Chaira, photoreporter, SIPA

Solène Chalvon-Fioriti, journaliste

Manon Chapelain, correspondante à Istanbul

Benoît Chaumont, journaliste

Christian Chesnot, journaliste, Radio France

Julie Conan, adjointe au service international de La Croix

Méryl CURTAT, photoreporter

Sylvain Cypel, journaliste

Olivier Da Lage, journaliste

Katia Dansoko Touré, journaliste, Libération

Laurent Dauré, journaliste

Christian Dauriac, journaliste

Gwendoline Debono, ancienne correspondante à Jérusalem

Aïda Delpuech, journaliste

Sonia Dridi, journaliste

Olivier Dubois, journaliste, ex correspondant au Mali

William de Lesseux, journaliste, France Inter

Thierry de Lestrade, réalisateur

Guilhem Delteil, ancien correspondant de RFI à Jérusalem

Jérémie Demay, journaliste

Fabrice de Pierrebourg, journaliste

Jennifer Deschamps, journaliste

Vanessa Descouraux, journaliste, Radio France

Thomas Dévényi, photoreporter

Véronique de Viguerie, photographe 

Chloé Domat, correspondante à Beyrouth

Mathilde Dorcadie, journaliste

Benoit Drevet, correspondant en Irak

Claire Duhamel, correspondante de France 24 à Jérusalem

Karine Dusfour, journaliste

Abdulmonam Eassa, photographe 

Anaïs Elboujdaïni, journaliste

Charbel El cherif, journaliste

Nassira El Moaddem, journaliste, Arrêt sur images

Charles Enderlin, ancien correspondant de France 2 à Jérusalem

Aubin Eymard, journaliste

Wilson Fache, journaliste 

Agnès Faivre, journaliste 

Adèle Flaux, journaliste

Arthur Fouchère, journaliste

Alice Froussard, ancienne correspondante au Proche-Orient 

Emmanuel Gagnier, journaliste

Cécile Galluccio, ancienne correspondante de France 24 et Radio Canada à Jérusalem

Laura-Maï Gaveriaux, journaliste 

Laurence Geai, photoreporter 

Inès Gil, journaliste 

Clément Gargoullaud, journaliste

Emilie Gautreau, journaliste, Radio France

Sarra Grira, journaliste, Orient XXI

Juliette Gheerbrant, journaliste, RFI

Pauline Godart, journaliste, France 24

Yousra Gouja, journaliste

Alain Gresh, journaliste fondateur d’Orient XXI

Solène Gripon, journaliste 

Claude Guibal, ancienne correspondante au Proche-Orient

Thomas Guichard, journaliste

Sophie Guignon, correspondante à Beyrouth

Nadia Henni-Moulaï, journaliste

Andrew Hilliar, journaliste, France 24

Chris Huby / journaliste

Mélina Huet, journaliste 

Jimmy Hutcheon, ancien correspondant à Jérusalem

Etienne Huver, journaliste

Aline Jaccottet, journaliste, Le Temps

Leila Jolin-Dahel, journaliste

Stéphane Kenech, journaliste

Nicolas Keraudren, journaliste

Danièle Kriegel, correspondante du Point à Jérusalem

Hélène Lam Trong, journaliste

Antoni Lallican, photographe

Meriem Laribi, journaliste

Arthur Larie, photoreporter 

Blandine Lavignon, correspondante en Georgie/Arménie

Ariane Lavrilleux, journaliste 

Meriem Lay, Journaliste

Justine Leblond, journaliste

Jenna Le Bras, journaliste

Alice Le Dréau, journaliste à La Croix

Damien Lefauconnier, journaliste

Lisa Legeay, journaliste

Sophie Le Gall, Journaliste

Cécile Lemoine, correspondante à Jérusalem

Marie Lemonnier, journaliste, L’Obs

Thibaut Lefèvre, correspondant Radio France à Jérusalem

Marion Lompageu, journaliste

Julie Lotz, journaliste

Virginie Lorentz, journaliste

Élise Lucet, Journaliste

Matthieu Mabin, journaliste, France 24

Georges Malbrunot, journaliste, Le Figaro

Théo Maneval, journaliste, C dans l’Air

Antoine Mariotti, ancien correspondant de France 24 à Jérusalem

Céline Martelet, journaliste 

Bastien Massa, journaliste 

Léa Masseguin, journaliste, Libération

Giona Messina, ancien correspondant de France Télévisions à Jérusalem

Frédéric Métézeau, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem

Delphine Minoui, journaliste, Le Figaro

Sina Mir, Journaliste

Catherine Monnet, journaliste, ex-correspondante à Jérusalem pour RFI.

Étienne Monin, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem

Paul Moreira, journaliste, Premières Lignes

Fanny Morel, journaliste, BFM TV

Alice Moreno, correspondante au Caire

Quentin Müller, journaliste, Marianne

Jérémy Muller, journaliste, BFMTV

Jacky Naidja, journaliste

Camille Neveux, journaliste

Sophie Nivelle-Cardinale, journaliste

Marie Normand, journaliste, RFI

Farida Nouar, journaliste, Radio France

Anne-Sophie Novel, journaliste

Hala Oukili, journaliste

Etienne Paponaud, journaliste

Salomé Parent-Rashdi, ancienne correspondante à Jérusalem

Édouard Perrin, journaliste

Céline Pierre-Magnani, journaliste 

Rémy Pigaglio, correspondant au Maroc

Mariam Pirzadeh, journaliste, France 24

Grégory Philipps, journaliste BFMTV, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem

Noé Pignède, correspondant de Radio France à Beyrouth 

Reza Pounewatchy, Journaliste

Tetiana Pryimachuk, journaliste

Émilie Raffoul, journaliste

Anaïs Renevier, journaliste

Lina RHRISSI, journaliste

Luciana Richard, journaliste

Alexandre Rito, photoreporter

Marie-Monique Robin, journaliste

Sacha ROBIN, journaliste

Nicolas Rosenbaum, correspondant à Jérusalem

Nicolas Rouget, journaliste

Martin Roux, journaliste

Semiramis Sak, journaliste

Arthur Sarradin, journaliste 

Jean Christophe Servant, journaliste

Chloé Sharrock, photographe

Saadia Sisaid, journaliste, Premières Lignes

Sadak Souici, photoreporter 

Amira Souilem, journaliste

Laetitia Soudy, journaliste, BFMTV

Vincent Souriau, journaliste, RFI

Eva Tapiero, journaliste

Charles Thiefaine, photographe

Boris Thiolay, journaliste

Hugo Van Offel, journaliste

Oriane Verdier, journaliste, RFI

Linda Verhaeghe, journaliste

Elena Volochine, ex correspondante à Moscou.

Tristan WALECKX, journaliste

Catherine Weil Sinet, journaliste, Siné Mensuel

Olivier Weber, journaliste

Sophie Woeldgen, journaliste

Amélie Zaccour, journaliste, l’Orient-le jour

 

Une attaque sans précédent contre la liberté de la presse

Nous, sociétés de journalistes, associations de défense du droit à l’information, organisations et collectifs de journalistes, médias, dénonçons avec force la décision du tribunal judiciaire de Paris de faire injonction à Mediapart de ne pas publier de nouvelles révélations sur les pratiques politiques du maire de Saint-Étienne, après celles du chantage à la sextape. Cette censure préalable, décidée sans débat contradictoire, est une grave et flagrante attaque contre la liberté de la presse.

Comment une telle décision a-t-elle pu être rendue, en dehors de toute contradiction, alors qu’il existe pourtant des procédures d’urgence, qui auraient permis à Mediapart de se défendre ?

Depuis la loi du 29 juillet 1881 qui a instauré en France le droit d’information et la liberté d’expression, jamais une telle procédure, à notre connaissance, n’avait été utilisée pour censurer préalablement un média.

Dans un contexte où un industriel a récemment détourné le droit de la presse pour poursuivre un média devant les tribunaux de commerce, où des hommes d’affaires multiplient les procédures bâillons et où de nombreux journalistes se voient refuser l’accès à des données d’intérêt public au nom du “secret des affaires”, cet acte liberticide nous inquiète profondément quant à la situation de la liberté de la presse en France.

Nous sommes solidaires de nos consœurs et confrères de Mediapart et nous nous tenons à leurs côtés.

Premières Sociétés de Journalistes signataires :

SDJ de Premières Lignes
SDJ d’Arrêt sur Images
SJPL de Libération
SDJ de l’Humanité
SDR de La Vie
SDJ de BFMTV
SDJ de M6
SDJ de France 2
SDJ de FranceInfo.fr
SDJ de Paris Match
SDJ de Télérama
SDJ de Public Sénat
SDJ de Marianne
SDJ de Courrier international
SDJ des Échos
SDJ de Midi Libre
SDJ de France 24
SDJ de La Tribune
SDR de l’Obs
SDJ du Figaro
SDJ de France 3 Rédaction Nationale
SDJ de L’Usine Nouvelle
SCJ de Sud Ouest
SDJ NRJ Group
SDJ de RTL
SDR du Monde
SDJ de RFI
SDJ de l’AFP
SDJ de l’Express
SDJ du Parisien / Aujourd’hui-en-France
SDJ du JDD
SDJ de Radio France
SDJ de LCI
SDJ de RMC
SDJ de M6
SDJ de Challenges
SDJ de TF1
SDJ de Franceinfo TV

Premières associations, collectifs et organisations signataires :

Informer N’est Pas un Délit
Reporters Sans Frontières
Fédération Internationale des Journalistes
Association de la Presse Judiciaire
Profession Pigiste
SNJ
SNJ-CGT
CFDT Journalistes
F3C CFDT
SGJ-FO
We Report
Splann !
Forbidden Stories
Collectif Extra Muros
Association des journalistes économiques et financiers
SCAM
Association des Journalistes de l’Information Sociale
Prix Albert Londres
Maison des Lanceurs d’Alerte
Fonds pour la presse libre
Anticor
Europresse
Un Bout des Médias
Ligue des Droits de l’Homme
APESAC

Premiers médias signataires
Reflets.Info
La Tribune
Médiacités
Politis
Les Jours
Regards
Blast
AOC
OFF Investigation
Reporterre

Concentration des médias : nos propositions pour changer la donne

La concentration des médias menace l’exercice indépendant du métier de journaliste et restreint la liberté d’informer. C’est un enjeu majeur qui touche tous les citoyens, et dont les pouvoirs publics, garants de l’intérêt général, doivent s’emparer.

Aujourd’hui, un seul et même groupe (Vivendi) piloté par un seul et même industriel (Vincent Bolloré) contrôle (Canal+, CNews, C8, Cstar, Planète+, TeleTOON+, Infosports+…) une radio (Europe1), des journaux, (Le Journal du dimanche, Paris Match), un éditeur de jeux (Gameloft), une plateforme de vidéos (Dailymotion), des salles de spectacle (CanalOlympia), des maisons d’édition (Editis et potentiellement Hachette) ainsi que Prisma, le premier groupe français de presse magazine (Capital, Femme actuelle, Geo, Ça m’intéresse, Télé-Loisirs, Voici…)

Jamais sans doute un homme d’affaires français n’a concentré autant de médias entre ses mains. Jamais la production d’informations, ainsi que la production culturelle, n’ont dépendu à ce point d’une seule et même personne qui méprise l’une des valeurs fondamentales de toute démocratie : l’indépendance des journalistes.

Lorsque Vincent Bolloré s’empare d’un média, souvent, la même logique mortifère s’applique : d’abord, un démantèlement de la rédaction, puis une reprise en main idéologique.

Certes, la concentration des médias n’est pas un phénomène nouveau, ni l’apanage d’un homme. Par le passé, le groupe Hersant, ancien propriétaire du Figaro, a contrôlé 40% de la presse papier en France.

Ce qui est nouveau, c’est l’hyper-concentration des médias français entre les mains de quelques milliardaires Vincent Bolloré, mais aussi Bernard Arnault, Patrick Drahi, Xavier Niel, Daniel Křetínský et des groupes financiers comme le Crédit Mutuel.

Bien sûr, les journalistes qui travaillent pour les médias détenus par ces industriels ne subissent pas directement et au quotidien la pression de leurs actionnaires. Mais la concentration des médias a un impact majeur sur la qualité et la diversité de l’information délivrée au public. Elle réduit l’espace consacré au décryptage. Elle favorise l’opinion et fragilise la liberté de la presse ainsi que l’indépendance des journalistes.

Parce que nous considérons l’information comme un bien public, les médias ne sont pas un secteur d’activité comme un autre. Ce ne sont pas les investisseurs privés qui posent problème, mais le manque de garanties apportées aux journalistes désireux de travailler en toute indépendance, sans aucune pression.

Au moment où certains candidats à l’élection présidentielle évoquent la privatisation du service public de l’audiovisuel, une telle situation n’est plus tenable, il est temps d’agir.

Nous sommes désormais nombreux à dénoncer un fléau médiatique, social et démocratique : après le documentaire diffusé mi-octobre par Reporters sans frontières (RSF) et l’appel lancé par le Fonds pour une presse libre, même la ministre de la Culture a récemment reconnu devant les sénateurs “que les textes qui assurent cette régulation sont des textes déjà anciens et qui présentent des lacunes”.

Aujourd’hui, nous en sommes persuadés, nous pouvons lutter contre la concentration des médias.

Pour mieux encadrer l’actionnariat et éviter le piège des intérêts partisans, plusieurs réponses sont envisageables. A l’image de ce que proposent Julia Cagé et Benoît Huet dans le livre L’information est un bien public et RSF, quatre mesures simples et concrètes nous semblent aujourd’hui prioritaires :

1. La réforme en profondeur de la loi de 1986, relative à la liberté de communication.

Cette loi est obsolète, illisible et les critères retenus pour éviter la concentration des médias sont totalement inefficaces.

2. La création d’un statut juridique pour les rédactions.

Ce statut permettrait de graver dans le marbre l’indépendance des rédactions, de limiter tout interventionnisme des actionnaires et/ou de leurs représentants et de garantir la participation active des rédactions à la gouvernance de leurs médias. Au sein du quotidien Le Monde par exemple, des mécanismes existent pour se prémunir de toute ingérence.

3. La création d’un délit de trafic d’influence en matière de presse pour limiter
toute pression sur les rédactions.

La loi devrait sanctionner pénalement tout interventionnisme abusif des propriétaires et dirigeants de médias qui ont souvent pour objectif de favoriser leurs intérêts ou ceux d’un tiers.

4. La protection de l’honnêteté, de l’indépendance et du pluralisme de l’information doit être mieux garantie.

Aujourd’hui, de nombreuses structures sont vouées à la protection du pluralisme de l’information : l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) qui va bientôt remplacer le CSA, les comités d’éthique, ou encore le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). Il nous apparaît nécessaire de clarifier le rôle respectif de ces instances au sein d’un cadre législatif adapté à l’environnement médiatique actuel.

Si nous, journalistes, citoyens, signataires de cette tribune, nous nous réjouissons qu’une commission d’enquête parlementaire se saisisse enfin de ces sujets, nous estimons qu’il est du devoir des candidats à l’élection présidentielle de prendre des engagements immédiats afin de limiter la concentration des médias et de protéger fermement la liberté d’informer. C’est en ce sens que nous les invitons à intégrer des mesures concrètes dans leurs programmes.

Les premiers signataires :

Sophie Binet, secrétaire générale de l’Union générale des ingénieurs, cadres et Techniciens (UGICT-CGT), Hervé Brusini, président du Prix Albert Londres. Sandra Cossart, directrice de Sherpa. Annick Coupé, secrétaire générale d’Attac France. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières (RSF). Elizabeth Drévillon, présidente de la Guilde des auteurs de reportages et de documentaires (GARRD). Bénédicte Hermelin, directrice générale de France Nature Environnement. Glen Millot, délégué général de la Maison des lanceurs d’alerte. Emmanuel Poupard, Premier secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ). Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme. Nathalie Sapena, présidente de la commission des journalistes de la Société civile des auteurs multimédias (SCAM). Jacques Studer, président CFE-CGC journalistes. Agnès Vernet, présidente de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI). Nicolas Vescovacci, président du collectif Informer n’est pas un délit (INPD). Emmanuel Vire, secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT).

Loi “lanceurs d’alerte” : 29 organisations lancent un appel à la société civile

Chaque semaine, de nouveaux scandales apparaissent : Panama papers, Mediator, Dépakine, contaminations et fraudes alimentaires, pollutions environnementales… Derrière ces affaires, il y a des hommes et des femmes qui décident de prendre la parole pour dénoncer des dysfonctionnements et éviter des crises sanitaires, écologiques ou économiques.

Nombre d’entre eux restent anonymes. Ils sont motivés avant tout par leur éthique et leur souci de l’intérêt général. Ils constatent des faits aux conséquences graves pour notre santé, notre environnement, pour le bon fonctionnement de notre démocratie ou pour le respect de notre privée. Et ils décident d’en référer aux autorités compétentes pour y remédier.

Malheureusement, suite à cet engagement fort, leur quotidien devient intolérable et leurs alertes sont encore trop rarement entendues. Lorsqu’ils sont salariés, ils sont licenciés, harcelés, mis au placard. Lorsqu’il s’agit de militants associatifs, de parents d’élèves, de riverains… ils sont dénigrés et font face à des agressions verbales, physiques, ou des poursuites judiciaires abusives. Ils peinent à identifier à qui s’adresser pour que les abus qu’ils dénoncent cessent. Leurs soutiens – journalistes, associations, syndicats – mais aussi leurs proches en paient les frais.

Cette situation doit cesser.

En 2016, la loi Sapin II a tenté de régler, en partie, ce problème. Elle a, par exemple, interdit de licencier ou de rétrograder les lanceurs d’alerte. Mais obtenir ce statut relève encore du parcours du combattant et cette loi comporte de nombreuses lacunes. Elle n’offre, par exemple, aucune garantie que les alertes soient traitées, ce qui est bien souvent la première demande des lanceurs d’alerte.

Nous demandons à présent au gouvernement et aux parlementaires d’aller plus loin et de saisir l’occasion inédite que représente l’impératif de transposition de la directive européenne pour la protection des lanceurs d’alerte.

En 2019, l’Union européenne a, en effet, pris la mesure du problème et adopté une directive qui améliore significativement les droits des lanceurs d’alerte en Europe. Cette directive doit être transposée en droit français avant la fin de l’année 2021. Elle impose aux États un certain nombre d’avancées par rapport au droit actuel, notamment en France. Elle met, par exemple, fin à l’obligation, pour un salarié, d’alerter d’abord au sein de son entreprise – obligation qui l’expose bien souvent aux représailles ou qui fait courir le risque de destruction de preuves.

Mais sur d’autres points, elle laisse aux États le soin de définir eux-mêmes les modalités d’amélioration de leur législation.

Depuis 2019, la Maison des Lanceurs d’Alerte s’est mobilisée, aux côtés de plusieurs dizaines d’autres organisations, pour alimenter le débat public sur ce sujet. Douze propositions concrètes ont été formulées pour compléter les dispositions de la directive. Elles abordent la question d’un fonds de soutien pour accorder des aides d’urgence aux lanceurs d’alerte en difficulté ; la simplification des procédures avec la mise en place d’un guichet unique auquel adresser une alerte et qui s’assure qu’elle soit suivie d’effets ; ou encore le renforcement des sanctions contre les “étouffeurs d’alerte” ou du rôle d’appui des syndicats sur les lieux de travail.

Ces propositions ont été adressées au gouvernement et aux parlementaires par lettre ouverte en 2019 puis en 2020. Des institutions reconnues telles que le Défenseur des droits ou la CNCDH – la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme – ont publié des avis rappelant au gouvernement l’urgence et l’importance du problème.

À l’heure actuelle, nous n’avons aucune certitude que des mesures ambitieuses seront adoptées prochainement pour protéger les lanceurs d’alerte et garantir que leurs alertes soient traitées.

Nous, associations et syndicats mobilisés sur cette question, invitons donc toutes les personnes qui reconnaissent l’enjeu démocratique qu’est la défense des lanceurs d’alerte et de leurs alertes à signer notre appel.

Trop de personnes aujourd’hui sont témoins d’abus et se taisent par peur ou manque de moyens. Par ce silence, ce sont nos droits, nos libertés et notre intégrité qui sont menacés. Les lanceurs d’alerte sont des sentinelles qui construisent un monde souhaitable pour tous. Nous devons leur permettre de parler et nous assurer que cette parole est entendue.

Signez notre appel pour porter la voix des lanceurs d’alerte à l’Assemblée nationale : https://loi.mlalerte.org/je-signe

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Une loi “lanceurs d’alerte” : pour quoi faire ?!

Chaque jour, de nouveaux scandales sanitaires, écologiques, politiques émergent. Derrière eux se trouvent des femmes et des hommes anonymes qui ont le courage d’exposer la vérité au prix, souvent, de sévères représailles. La loi ne les protège pas assez. Il est urgent que cela change ! En présence de lanceurs d’alerte qui témoigneront de leur parcours, plus de 20 organisations, associations et syndicats, présentent leurs propositions pour une loi ambitieuse et nécessaire.

Plus d’infos et inscription sur https://mlalerte.org/lancement

Nos libertés sont en danger ! Le 16 janvier, reprenons la marche

Depuis le 17 novembre 2020, l’opposition à la proposition de loi Sécurité globale ne cesse de se renforcer. Initiée par une coalition inédite de la société civile, elle a été rejointe et amplifiée par des centaines de milliers de manifestants, dans plus de 150 villes de France, qui ont bravé dans certains cas les violences policières et les arrestations arbitraires pour dénoncer dans la rue cette proposition de loi, et exiger notamment le retrait de ses articles 21, 22, et 24.

Ce projet porte des graves menaces à la liberté d’informer et d’être informé. Son article 24 vise à dissuader de filmer ou de photographier les interventions policières. L’importance de telles images est pourtant cruciale pour attester des cas de violences policières, comme l’actualité nous l’a rappelé ces dernières semaines :

    • Le 31 décembre 2020, les forces de l’ordre expulsent violemment un campement de personnes migrantes à Calais. En plein hiver, leurs tentes sont lacérées, afin d’être rendues inutilisables : ce sont les photos de deux journalistes qui ont permis de faire connaître cette nouvelle violation des droits fondamentaux, alors que ces pratiques sont documentées de façon quasi quotidienne par les associations.
    • Le 3 janvier 2021, une marche commémorait la mort de Cédric Chouviat, mort étouffé des suites d’un banal contrôle policier. Ce sont des vidéos amateur de témoins de l’interpellation, recueillies par les avocats de la famille suite à un appel sur les réseaux sociaux, qui ont permis de démontrer la violence et l’illégalité de l’interpellation.
    • Le même 3 janvier, une enquête de Mediapart, basée sur l’analyse de dizaines de vidéos amateurs, démontre d’une part des charges et violences policières illégales lors de la manifestation du 12 décembre 2020 contre la loi Sécurité globale et la loi Séparatisme à Paris, d’autre part une communication gouvernementale mensongère sur les interpellations menées ce jour-là, dont la plupart se sont révélées infondées, voire totalement arbitraires.
    • Le 8 janvier, le journaliste Taha Bouhafs a comparu pour outrage aux forces de l’ordre. Les vidéos de son interpellation, alors qu’il couvrait un piquet de grève, démontrent le contraire. Vidéos qu’il a pu récupérer après que son téléphone ait été illégalement placé sous scellés pendant des mois.
    • À l’inverse, depuis le 6 octobre 2019, la famille d’Ibrahima Bah réclame les vidéos des trois caméras de surveillance qui ont filmé la mort de leur fils et frère, lors d’une intervention de police à Villiers-le-Bel. Mais la justice leur en refuse l’accès.

L’article 24 de la loi Sécurité globale ne vise pas à protéger les policiers, mais bien les violences policières. Et la surenchère sécuritaire du gouvernement ne s’arrête pas là.

D’autres dispositions de la loi visent à permettre à l’Etat et à sa police d’accroître le contrôle sur la population (articles 21 et 22), à travers des outils de surveillance indiscriminés (drones et caméras-piétons), utilisables en manifestation ou lors de contrôles d’identité. La loi dite « Séparatisme » intègre et élargit les dispositions de l’article 24 de la loi Sécurité globale. Et tandis que les propositions élargissant les mesures de surveillance de toute la population ont été votées à bas bruit par l’Assemblée nationale, le Conseil d’État vient quant à lui de légitimer les décrets d’extension du fichage de chacun sur la base de nos « opinions » supposées.

Confronté à une mobilisation sans précédent pour la défense des libertés, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir. Les enjeux sont pourtant majeurs. Ils touchent au respect même de l’État de droit, qui suppose le contrôle effectif des pratiques des personnes dépositaires de l’autorité publique par les citoyens, le parlement, la justice et la presse. Les mesures de surveillance de la population doivent quant à elles demeurer l’exception.

En France, la Défenseure des droits, la Commission Nationale Consultative des droits de l’homme, et à l’international, 5 rapporteurs spéciaux des nations unies, et la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont tous vivement critiqué la proposition de loi Sécurité globale. Notre coordination a demandé à être reçue par le président de la République, censé veiller au respect des libertés constitutionnelles. Notre requête est à ce jour restée lettre morte.

Face à la stratégie de l’évitement et de déni, et jusqu’à ce que nos revendications soient entendues, nous nous mobiliserons de nouveau partout en France. Nous marcherons le 16 janvier, et tant qu’il le faudra : pour le droit à l’information, contre les violences policières, pour la liberté de manifester, pour le respect de notre vie privée.

Pour nos libertés.

Organisations signataires

Acrimed – Alternatiba / ANV-COP21 – Amnesty International France – Association du cinéma pour sa diffusion (Acid) – Association des cinéastes documentaristes (ADDOC) – Association Heure Bleue – Association Paris d’Exil – Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac) – Basta ! – Black Robe Brigade – CFDT Journalistes – Club de la presse Occitanie – Conseil national de la nouvelle résistance (CNNR) – Collectif de journalistes Kelaouiñ – Confédération générale du travail CGT – Droit au logement (DAL) – Guilde des auteurs réalisateurs de reportages et de documentaires (Garrd) – Informer n’est pas un délit – Justice Pour Ibo -Les Amis de la Terre France – Ligue des Droits de l’homme -Mutilés pour l’exemple – Politis – La Quadrature du Net – Reporterre – Reporters en colère (REC) – Scénaristes de Cinéma Associés (SCA) – SIPMCS – CNT – Syndicat national des journalistes – CGT – Syndicat général des journalistes-FO – Société des réalisateurs de Films (SRF) – Union des clubs de la presse de France et francophones (UCP2F) – Union syndicale Solidaires – SDJ France 3 National – SDJ Mediapart – SDJ NRJ Group – SDJ Radio France – SDJ RFI – SDJ Télérama – Société des personnels de l’Humanité – La rédaction d’Alternatives Economiques

Rassemblement contre la PPL Sécurité globale ce samedi 21 novembre à 14h30 au Trocadéro à Paris

Nous syndicats de journalistes, associations et collectifs de journalistes, réalisateurs de documentaires, SDJ, associations et collectifs de défense de droits humains, sommes fermement opposés à la PPL sécurité globale ainsi qu’au nouveau Schéma national du maintien de l’ordre, tant en nos qualités respectives de journalistes et citoyens.

L’ONU l’a rappelé, l’infraction de diffusion malveillante des images de forces de l’ordre, l’utilisation des drones et la généralisation des images de camera piétons violent le droit international. Le défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) ont également rappelé que ces dispositions contreviennent au droit constitutionnel et aux principes fondamentaux de la République.

Le rassemblement que nous avons déclaré a été confirmé par la préfecture et se tiendra, ce samedi 21 novembre, place du Trocadéro à partir de 14h30 eu égard à l’affluence attendue.

Le ministère de l’Intérieur souhaite rencontrer ce lundi 23 novembre la coordination seule. Nous serions heureux de pouvoir confirmer le rendez-vous après que le ministère aura :

1. adressé des chiffres attestant de la réalité des agressions de forces de l’ordre consécutifs à la publication de leurs images ;

2. remis une explication concernant l’impossibilité d’utiliser les infractions existantes pour protéger les forces de l’ordre (provocation à la commission d’un crime ou délit, menace de commettre un crime ou d’un délit, cyberharcèlement).

Paris, le 20 novembre 2020.

Signataires :
SNJ – SNJ-CGT – CFDT-Journalistes – SGJ-FO – Fédération européenne des journalistes – Fédération internationale des journalistes – LDH – Association de la presse judiciaire – Scam – Reporters en colère (REC) – La GARRD – Société des personnels de L’Humanité – SDJ du groupe NRJ – Union des clubs de la presse de France et Francophones – Prenons la Une – Société des réalisateurs de films – Informer n’est pas un délit – Kelaouiñ – UCP2F – Association des cinéastes documentaristes (Addoc) – Attac France – (et dans l’attente de nouvelles signatures)

N.B. Une conférence de presse sera organisée ce samedi 21 novembre (avant le rassemblement de 14h30) à 11 heures, au siège de la Ligue des droits de l’Homme, salle Dreyfus, 138, rue Marcadet, 75018 Paris.

Concentration des médias : nos propositions pour la liberté de l’information

Les groupes Vivendi et Arnault ont, pendant le confinement, annoncé respectivement des prises de participation dans le groupe Lagardère et dans la holding personnelle d’Arnaud Lagardère. Pour le collectif Informer n’est pas un délit, le rapprochement de ces trois groupes marque une nouvelle étape inquiétante de la concentration des médias en France.

Une poignée d’hommes d’affaires aux intérêts extérieurs à la presse possède l’essentiel des médias privés de notre pays. Notre collectif, qui travaille sur la question depuis l’entrée fracassante du groupe Bolloré dans Canal + en 2015, s’alarme de l’impact d’une telle situation sur la pluralité de l’information.

Chaque année, nous constatons la réduction des espaces consacrés à la liberté d’informer, au questionnement, au contradictoire, à l’enquête, en particulier sur des sujets sensibles et d’intérêt public tels que l’évasion fiscale ou les ventes d’armes.

Le mercredi 27 mai 2019, le collectif a participé à une réunion en visioconférence organisée par le ministère de la Culture, en présence du ministre Franck Riester, de syndicats de journalistes et d’associations. Cette réunion portait sur la situation des journalistes et du journalisme dans le contexte de crise sanitaire. A cette occasion, le collectif a formulé des propositions pour lutter contre la concentration des médias.

La France est en 2020 le pays d’Europe où les médias privés sont le plus concentrés. La situation n’était pas simple avant la crise sanitaire. Elle risque de s’aggraver pendant la crise économique qui annonce, indubitablement, une recomposition du paysage médiatique avec des effets pervers sur la qualité et la pluralité de l’information.

Le rapprochement récent Vivendi-Lagardère-Arnault en est un exemple frappant. Un rapprochement entre Hachette (propriété de Lagardère) et Editis (propriété de Vivendi) représenterait plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’édition en France.

Nous croyons à une information libre et indépendante de tous les pouvoirs, qu’ils soient économiques ou politiques. Nous considérons que l’information est un bien commun qui appartient à l’ensemble des citoyens. Elle doit donc être protégée de l’influence des intérêts privés, fussent-ils ceux de propriétaires de médias.

Voici les quatre propositions formulées en ce sens par le collectif lors de cette réunion :

1. Refonte de la loi de septembre 1986

Cette loi est obsolète, illisible et les critères retenus pour éviter la concentration des médias, inefficaces. Son article 41, tout particulièrement, laisse penser que des verrous protègent les citoyens de tout phénomène de concentration. Il n’en n’est rien. La loi aborde la concentration des médias de manière horizontale et certains de ses articles ignorent totalement les réalités d’aujourd’hui : concentration verticale, dépendance des groupes de médias à la commande publique, et bien évidemment, Internet. En bref, cette loi n’est plus adaptée à notre environnement médiatique et ne garantit pas ce pourquoi elle a été rédigée.

2. Transparence de l’actionnariat et des bénéficiaires, propriétaires de médias

Ce point nous semble indispensable pour rétablir la confiance entre le grand public, les journalistes et leurs employeurs. Qui possède réellement le journal “L’Opinion” ? Cette information n’est pas publique. Nous souhaitons que cette information le devienne et que le secteur des médias soit le plus transparent en ce domaine.

3. Création d’un statut juridique pour les rédactions

Si nous ne contestons pas le besoin d’investissements privés dans un secteur comme celui de la presse, nous revendiquons une totale indépendance des journalistes et de leurs rédactions vis-à-vis des actionnaires. Un statut juridique attaché aux rédactions permettrait de graver dans le marbre cette indépendance et de limiter tout interventionnisme des propriétaires et/ou de leurs représentants. Certains médias ont fait le choix d’adopter des chartes très précises qui sont une bonne base pour envisager la mise en place d’une telle mesure.

4. Création d’un délit de trafic d’influence applicable au champ de l’information

L’acte de censure n’est pas défini en droit français. Aucune intervention directe, même avérée ne peut être aujourd’hui poursuivie devant un tribunal. Plusieurs membres du collectif en ont malheureusement fait l’expérience. La création d’un “délit de trafic d’influence” permettrait de dissuader quiconque d’intervenir directement sur les contenus éditoriaux, sans raison justifiée et rendrait opposable toute initiative de ce genre. Cette nouvelle disposition juridique donnerait l’opportunité aux rédactions et aux journalistes de faire valoir leurs droits.

 

La situation exige de nous tous une réflexion profonde et des actes forts. C’est donc le moment d’agir.

Pourquoi Informer n’est pas un délit soutient la création du CDJM

Le lundi 2 décembre se tiendra l’assemblée générale fondatrice du Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation (CDJM). Le collectif Informer n’est pas un délit sera présent et soutient la création d’une telle instance.

Pourquoi ?

Dans le paysage journalistique européen, la France est une anomalie. Alors que 18 pays en Europe disposent déjà de « Conseils de presse », sous diverses formes, la France en est toujours dépourvue. Et ce alors que la défiance envers la profession atteint chez nous des sommets, avec seulement 24% des Français pour nous accorder encore leur confiance.

Le CDJM sera une instance professionnelle d’autorégulation, indépendante de l’État.

Il pourra être saisi par le public ou s’auto-saisir afin de d’émettre un avis sur un acte journalistique et vérifier qu’il respecte les normes déontologiques de la profession. Le CDJM ne traitera pas de la ligne éditoriale. Il ne sera pas non plus un « Conseil de l’ordre des journalistes ». Il pourra également s’intéresser à d’autres enjeux: censures, « Brand contents », « ménages » des journalistes qui posent des problèmes de conflits d’intérêt, ou encore à la concentration des médias.

Indépendant, le CDJM sera tripartite: 1/3 des sièges sont réservés au public, 1/3 aux journalistes, 1/3 aux éditeurs de presse.

Contrairement à ce qui a été affirmé, le CDJM n’est pas une initiative gouvernementale. Depuis plusieurs années, ce projet est en réflexion, au sein de structures comme l’ODI ou encore le Syndicat national des journalistes, majoritaire dans la profession. Ce dernier, planche sur le sujet de puis 2000. Par ailleurs plusieurs rapports officiels avaient préconisé son adoption, sans que cela n’aboutisse.

Depuis le printemps dernier, le chantier a été relancé. Informer n’est pas un délit s’est associé à l’ensemble des réunions préparatoires. Notre collectif a déploré, lors de ces réunions, l’absence flagrante des sociétés de journalistes (SDJ). Il n’a eu de cesse de les y inviter, afin qu’elles fassent entendre leurs voix. INPD a organisé il y quelques mois une réunion d’information à ce sujet et invité la Secrétaire générale du Conseil belge, afin d’éclairer la profession sur la réalité et l’utilité de ce type d’organe. Là encore les SDJ ont dans leur immense majorité été absentes. A la veille de la création du CDJM, certaines SDJ ont signé un texte expliquant qu’elles refusaient de participer à un projet qu’elles qualifiaient de liberticide.

Informer n’est pas un délit considère au contraire que c’est à l’intérieur de cette entité que le débat doit se tenir et que la politique de la chaise vide sera préjudiciable à l’ensemble de notre profession. Nous adhérerons donc au CDJM et réévaluerons dans un an notre implication. Nous pourrions alors tout à fait décider de quitter l’instance si son objet devait en être altéré ou détourné.

Notre collectif a ces dernières années mené de nombreux combats contre les atteintes au droit à l’information. Au sein du CDJM, nous serons aussi vigilants que nous l’avons été lors de précédents combats. Quand il s’agissait d’alerter sur les dangers de la loi « secret des affaires » par exemple, nous avons su mobiliser et fédérer les SDJ. Nous poursuivons d’ailleurs ce combat en justice, en soutenant Le Monde (et ce aux côtés de plus de 40 organisations). Nous poursuivons, à notre niveau une action de sensibilisation des collégiens et étudiants aux enjeux de l’information.

Quelles qu’aient pu être les incompréhensions passées au sujet du projet de CDJM, nous appelons les acteurs du journalisme, en particulier les SDJ, à rejoindre ce projet.